Terrariophilie
et écologie : quelques réflexions…
Par Louis-Georges Bourdat-Sainsevin, Bogertophis@aol.com
Depuis quelques temps, le marché de ce
que l’on a appelé à tort les Nouveaux Animaux de Compagnie est en plein
essor : des sites webs proposent d’envoyer à n’importe quel débutant des
scorpions ou des mygales réservées normalement à des spécialistes, l’animalerie
de votre ville fait une promotion sur les pythons molures en oubliant de
mentionner sa taille adulte, et bien sur les médias se délectent des évasions
de nos chers protégés.
Il est évident
que tout ceci doit être dénoncé et combattu. La nouvelle législation concernant
l’élevage des reptiles en France va d’ailleurs en ce sens, et les ministères
concernés ne semblent pas opposés au dialogue (preuve en est l’action de l’AFT qui s’est révélée être un
négociateur tout à fait pertinent auprès du ministère de l’environnement, rôle
traditionnellement réservé à la très controversée SHF)…Jusque à quand ? Car, sans vouloir jouer les oiseaux de
mauvaise augure, un danger bien plus grand que les légitimes angoisses du
ministère de l’environnement concernant les espèces invasives (traumatisante
expérience de la rana castesbeiana ou
grenouille-taureau, chez nous, en Gironde) semble menacer la terrariophilie.
Comme le
relatait fort justement Philippe Savarin dans le Reptilmag n°8 (mars-avril-mai 2002), de nombreuses associations de
protection des animaux font depuis quelques temps pression auprès des
gouvernements américains et anglais afin de réduire et, à terme, d’anéantir l’engouement de leurs
concitoyens pour la terrariophilie.
Bien sur en
France, la situation n’est pas la même : sans vouloir trop rentrer dans
les détails il faut savoir que ces nouvelles formes d’écologie extrémiste sont
très liées a une culture politique particulière dont il faut comprendre le
fonctionnement:
L’utilitarisme
est une philosophie politique proposant de penser la société idéale comme ce
qui garantit le maximum de satisfaction à un maximum d’individus (ou plus
simplement : ce qui compte c’est le bien-être de la majorité, la
satisfaction de ses intérêts), d’où une réflexion sur l’intérêt de chacun.
Ce qui définit
une entité morale c’est donc pour les utilitaristes : avoir un intérêt.
Quel
rapport avec la terrariophilie ? C’est tout simplement, pour les partisans
de l’utilitarisme, de reconnaître l’intérêt premier de l’animal : celui de
ne pas souffrir. Ce qui fait de tout animal, une personne morale a part
entière. Bentham, un des fondateur de l’utilitarisme, disait : « la question n’est pas : peuvent-ils
raisonner ?, ni même : peuvent-ils parler ?, mais :
peuvent-ils souffrir ? ».
Dès lors les
animaux ont des intérêts et donc des droits : voici donc fondé, d’après
certains militants, tout le discours des associations de libération des animaux
et des groupes activistes anti-specistes -associations luttant contre la
domination d’une espèce (nous) sur l’autre (les espèces animales)-.
Pourquoi vous
raconter tout ca ? Tout simplement pour ne pas être dupe des arguments
avancés par les anti-terrariophiles et surtout pour engager une véritable
crédibilisation de notre activité. Car si ces mouvements ne sont pas nés en
France, ils commencent, par un système d’entraide et de parrainage complexe
avec nos associations traditionnelles de protection des animaux, à influer
lourdement sur le débat écologique hexagonal ( notamment en essayant de réduire
la question de la protection de l’environnement et du respect de l’ordre
écologique à celle du droit de l’animal à
la liberté ).
Si leurs
discours sécuritaires (décidément très à la mode) s’écroulent face aux faits
(il n’y a pas ou si peu d’accidents avec les reptiles et a chaque fois ceux-ci
concernent les éleveurs), la question principale reste donc celle de la
souffrance des animaux. Il ne faut pas négliger le problème : d’ailleurs
l’action de ces associations concernant l’élevage en batterie des poulets ou
des porcs est bien souvent tout à fait légitime.
De la même
façon, nous savons tous que les conditions de détention des reptiles chez les
grands fournisseurs sont lamentables, ceux-ci n’hésitant pas à aggraver leurs
cas en abusant honteusement de la législation concernant l’importation des
animaux : pensons à ces pauvres python
regius importés, parasités, stressés qui finiront anorexiques chez un
original en quête de sensations fortes, alors que chaque année cette espèce est
reproduite par de nombreux éleveurs sérieux et soucieux du bien-être de leurs
animaux.
Car les
terrariophiles sérieux existent, et représentent même une forte
majorité. : Il est d’ailleurs à noter que ceux qui achètent un serpent
pour le frisson seront très vite déçus par le caractère généralement placide de
nos charmantes bêtes, et n’hésiteront pas à laisser tomber leur passion
naissante pour une autre (le saut a l’élastique, la moto ou plus traditionnellement,
les beaux yeux d’une compagne ou d’un compagnon peu enclin à la cohabitation
avec ces drôles de pensionnaires…).
Or les
terrariophiles sérieux ne sont pas des tortionnaires sadiques, ils aiment leurs
bêtes, passent du temps à les soigner, à les observer, à lire des ouvrages les
concernant, à s’engager dans des associations pour partager leurs expériences,
pour essayer de SAVOIR ce dont leurs
protégés ont besoin.
Le
problème est donc celui d’un savoir : le bien-être d’un serpent n’est pas
celui d’un chien. Et c’est sur ce point qu’il faut appuyer notre
discours face aux anti-terrariophiles.
Tout
jeune débutant le sait : ce qui tue l’animal en captivité c’est souvent les bons sentiments de son gardien. Des
boas constrictors ont ainsi dépéri dans des terrariums
idéaux voulant recréer la forêt amazonienne « comme dans la nature »(terreau bien humide, plantes, etc.…),
quand ils ne se sont pas faits dévorés au petit matin par des rongeurs déposés
vivants dans leur terrarium pour la nuit « pour qu’ils aient le plaisir de chasser », des petites mygales
se sont aussi retrouvées dans d’immenses terrarium « pour qu’elles se sentent plus libres » et sont mortes
incapables de localiser leurs proies…les exemples de ces bons sentiments
anthropomorphiques sont légions…
Bien
sur nous ne savons pas si un serpent est malheureux ou heureux, il ne peut pas
nous le dire , nous rétorque-t-on, il y a cependant des signes qui ne trompent
pas : le serpent n’est pas un supplicié muet, certes il ne va pas gémir
comme un chien qui souffre, mais lui aussi a son propre langage : la
qualité de la mue, la vitesse à laquelle sa langue entre et sort de sa gueule,
la façon dont il va plier le premier quart de son corps, son appétit, la
consistance de ces selles, la fréquences des ces sorties hors de sa cache, la
fluidité des ces mouvements, sont autant de signes intelligibles qui nous
permettent de juger de la santé non seulement physique mais aussi de l’état
émotionnel dans lequel se trouvent nos animaux.
Faces
aux attaques des anti-terrariophiles qui vont, ne nous leurrons pas, se faire
plus nombreuses, plusieurs attitudes vont alors être nécessaires pour ne pas
s’enfoncer dans une confrontation
stérile du type du débat sur la chasse : Nous, respectons la
législation (qui a d’ailleurs reconnaissons-le, été très
assouplie): comme le rappelait Philippe Savarin, c’est le seul moyen pour
nous faire entendre de façon officielle et cohérente.
Deuxièmement,
ne nions pas les excès dus à un commerce terrariophile irresponsable et luttons
ensemble pour un respect toujours plus grands des animaux (favoriser les
échanges entre éleveurs, décrédibiliser les grands fournisseurs quand ceux-ci
sont de véritables mouroirs pour reptiles),et surtout ouvrons le dialogue,
expliquons autour de nous notre passion et notre désir de voir nos animaux
évoluer et se reproduire, bref
« être heureux ».
De
plus, les terrariophiles sont non seulement soucieux du bien-être de leurs
bêtes (qui notons le ont une espérance de vie supérieure en captivité) mais
aussi du respect de ceux-ci dans leurs milieux naturels : de nombreuses
associations herpétologiques regroupant des terrariophiles sont engagées dans
la protection des animaux sauvages. Ne nous laissons pas enfermer dans la
position de l’anti-écolo sectaire et irresponsable, ce n’est qu’en continuant à
prôner et surtout à agir dans le sens du terrariophilie éthique et responsable
que nous montrerons à nos détracteurs notre profond attachement au respect de
la vie animale.