La question d’une déontologie du terrariophile amateur
Auteur :
LOUIS GEORGES BOURDAT-SAINSEVIN Bogertophis@aol.comOn parle beaucoup d’une moralisation nécessaire des pratiques terrariophiles. Certains sites se sont même spécialisés dans la voie d’une critique systématique de la terrariophilie, préférant la position confortable de l’inquisiteur à celle plus délicate et peut-être plus courageuse de l’avocat de cette drôle de passion si souvent diabolisée.
Je ne souhaite pas revenir ici sur le tableau désastreux qui nous est si souvent dépeint par tel ou tel de ces anti-terrario : prélèvement aveugle dans les milieux naturels, conditions de vie inadaptées et souffrance des animaux, dérive mercantile, trafic systématique, inconscience des éleveurs…Nous connaissons cela par cœur, il suffit de lire le journal, d’en parler avec nos chers voisins ou parfois même lors d’un dîner en famille et les mêmes litanies reviennent !
Deux types de défense, à mon avis tout à fait complémentaire et surtout inséparables, sont alors nécessaires :
La première consiste à nier les accusations fausses fondées sur des observations désormais obsolètes. Ce type de défense consiste donc à refuser l’état des lieux dressé par nos adversaires.
A ce tître, il est tout à fait juste de rappeler que les plus grands dangers écologiques ne sont pas le fruit des terrariophiles amateurs : TOTAL, EDF, les entreprises de déforestation pour produire nos salons de jardin en bois exotiques, la DDE, la chasse dans les zones humides protégées (plomb dans les mares de reproduction des amphibiens) font et feront malheureusement toujours plus de mal que le passionné parcourant les salons européens à la recherche d’un couple de dendrobates tinctorius, né en captivité en Allemagne… pourtant vous savez tous lequel de ces protagonistes sera inquiété par la justice…
De la même façon il faut rappeler sans cesse au public, aux non-terrariophiles, par le biais d’expositions, de visites dans les écoles, de publications, de piges dans des journaux non spécialisés, le caractère profondément respectueux pour la vie animale de notre hobby. La terrariophilie bien comprise ne peut déboucher que sur une écologie active, rationnelle et éclairée, de la même facon la protection des espèces doit s’appuyer sur les connaissances terrariophiles : on ne peut sauver que ce que l’on connaît. Une association qui ne se contenterait que de mettre en rapport des spécialistes, d’une façon totalement hermétique sans soucis d’une information auprès du public ne sera d’aucun secours pour l’avenir (sombre ?) de notre passion et surtout pour celui (très sombre ?) des espèces animales que nous essayons de sauver d’une extinction irréversible.
Ceci dit, ce type de défense ne doit pas nous masquer les dérives qui, il faut le rappeler, sont toujours aussi importantes : Il est vrai que celles-ci sont souvent dues à un non respect des lois en vigueur : nécessité du CDC et surtout application des règles d’hygiène et de sécurité auquel tout capacitaire doit se soumettre (il ne suffit pas d’avoir le permis, il faut continuer à en appliquer le code et les lois). Si tous les terrariophiles respectaient ces règles élémentaires la plupart des problèmes seraient évités (évasions, accidents, maladies, ect…).
Cependant cela ne suffit pas à tout expliquer : on peut parfaitement être tout à fait dans son droit et continuer à être un très mauvais terrariophile.
Plus clairement : Nous ne devons pas attendre passivement des hautes institutions ce que doit être notre conduite, nous ne devons plus attendre fébrilement de quelle façon sera réglé notre sort par des ministères successifs et contradictoires mais nous devons prendre les devants et dès maintenant nous fixer nos propres règles (bien sûr- cela est évident- tant qu’elles restent en accord avec la loi) et ce n’est que grâce à ce travail préalable que nous pourrons espérer un texte de loi rationnel et mesuré. En bref, ce n’est qu’en se dotant d’une déontologie – c’est à dire d’un texte créé par un groupe pour se fixer un certain nombre de règles communes en vue d’une pratique éthique- que nous pourrons faire face aux différentes critiques de nos détracteurs.
Il ne s’agit pas ici pour moi de donner une solution personnelle mais de faire écho à un chantier qui de toute façon commence à voir le jour dans toutes nos discussions associatives. Nous sommes tous scandalisés par certaines pratiques, nous avons tous, une fois ou l’autre, été spectateurs des conséquences de mauvais traitements à un reptile, d’installations publiques, commerciales ou privées ne respectant aucune des règles élémentaires d’hygiènes….ect, ect…Une chose est sûre : La majorité d’entre nous ne souhaite pas être associée à ces pratiques, nous les condamnons et les refusons avec fermeté.
Un tel texte permettrait alors de se reconnaître au sein d’une pratique cohérente.
A mon avis, trois moments distincts -l'arrivée (l’achat, la préparation), la pension ( la cohabitation avec l’animal) et la finalité (reproduction, don et vente)- peuvent structurer les étapes déontologiques de la terrariophilie. Voici quelques idées… à débattre….
++++++
Principe : La vocation de la terrariophilie est la protection, l’élevage et la reproduction d’êtres sensibles devant être traités en conséquence.
ART.1 L’ARRIVEE
Le but de la terrariophilie n’est pas la collection mais la protection et l’élevage des espèces. Ces deux finalités entraînent donc des conséquences non négligeables :
PROTECTION c’est à dire refus de l’achat d’animaux importés (un tel achat doit être réservé à des éleveurs confirmés dans le but d’une reproduction et donc de la suppression à plus long terme de nouveaux prélèvements ).
L’ELEVAGE nécessite une parfaite connaissance des besoins de l’animal (on vend malheureusement toujours plus d’animaux dans les animaleries que de livres et de documentation…), préparation du milieu de vie AVANT l’achat, préparation d’un plan alimentation (chiffrage de l’achat des proies ou mise en place d’un élevage parallèle), prise de contact avec des éleveurs (vive les assos ! !)
Cela signifie que nous n'achetons pas pour revendre ou pour échanger à nouveau.
Cela signifie que l’on préfère acheter à des éleveurs qu’à des vendeurs en animalerie.
ART 2 LA PENSION
Tout animal est un être sensible et doit être traité en conséquence. Nous ne faisons pas collection d’articles de mode, de bibelots et encore moins d’armes. Dès lors, l’esthétique (certes, non négligeable en terrariophilie) de l’espèce choisie ou du terrarium doit toujours céder le pas sur le bien-être de l’animal (un caméléon n’appréciera que moyennement la transformation de son terrarium en table de salon…). De préférence, une pièce est consacrée à nos élevages. Pas d’achat pour impressionner : " élever du molure "comme on le lit sur certains forums, n’est pas un gage de virilité, faut-il le rappeler ? ? ?
J …Il faudrait ici affirmer notre profond attachement à la notion de respect de la vie animale dont la valeur est indépendante et supérieure (les philosophes diraient transcendante) à toute idée de prix, de rareté ou de beauté.Dans cette optique, la mise en accord systématique avec le système législatif reste un objectif prioritaire ( même si en l’état actuel des textes, cet objectif reste lointain) : la clandestinité ne peut que nuire non seulement à l’image de la terrariophilie mais aussi au bien être de l’animal (risques de poursuites judiciaires entraînant des difficultés d’accès aux services véterinaires pour les non-capacitaires).
ART 3 LA FINALITE
La finalité de l’élevage est la reproduction et la perpétuation des espèces en captivité.
En ce qui concerne une REPRODUCTION éventuelle et désirée : Nous devons envisager toujours le pire, (ex : garder six mois avant de les vendre une dizaine de Pogonas juvéniles….), nous devons préférer l’échange ou la vente à " prix cassé " à des éleveurs confirmés ou a des passionnés, plutôt qu’une vente confortable à de parfaits inconnus sur le net…préférer, de la même façon, la vente sur sa région. Toujours envisager et proposer aux acheteurs une reprise des animaux…
Ce n’est qu’en développant les réseaux associatifs d’échange et de vente entre particuliers que nous pourrons efficacement boycotter les établissements de commerce et les éleveurs particuliers qui ne respectent pas les règles déontologiques élémentaires de la terrariophilie.
LOUIS GEORGES BOURDAT-SAINSEVIN